Près de deux mois après l’ordonnance n°2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l’urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédures pénale, qui se limitait principalement à figer la situation financière des entreprises en difficulté et à prolonger les procédures en cours, une nouvelle ordonnance vient la compléter afin de tenir compte cette fois-ci des conséquences de la pandémie sur ces entreprises.
L’ordonnance n°2020-596 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l’épidémie de Covid 19 est davantage audacieuse et modifie temporairement le rapport de force entre créancier et débiteur.
En effet, cette ordonnance permet de :
Dans le droit commun, le Commissaire aux comptes doit alerter et informer le dirigeant sur les faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation et ce n’est qu’en cas d’inaction du dirigeant dans un délai de quinze jours que le Commissaire aux comptes demande une explication à celui-ci et en informe le Président du Tribunal.
Mais compte tenu de la situation actuelle et afin de détecter plus rapidement les difficultés des entreprises, l’article 1er de l’Ordonnance du 20 mai 2020 renforce le rôle du Commissaire aux comptes en accélérant l’information au Tribunal en cas de faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation et d’inaction du dirigeant.
En effet, cette information est désormais réalisée immédiatement et de manière concomitante à l’information de l’organe de direction (conseil d’administration ou de surveillance ou dirigeant) lorsque deux conditions sont réunies :
La conciliation est une procédure, non judiciaire, de traitement amiable des difficultés fondée sur la bonne volonté des créanciers à obtempérer pour une négociation. N’étant pas une procédure coercitive, il est seulement possible pour le débiteur en temps normal de demander au juge, conformément aux articles L.611-7 du Code de commerce et 1343-5 du Code civil, d’imposer des délais de grâce d’une période de deux ans maximum à l’encontre d’un créancier qui engagerait des poursuites après l’ouverture de la conciliation.
L’Ordonnance du 20 mai 2020 ébranle le fonctionnement classique de la procédure de conciliation et le rapport entre le débiteur et les créanciers appelés à la négociation, la judiciarisation de la procédure primant un peu plus sur la négociation grâce à deux dispositions :
1. La faculté pour le débiteur d’interrompre ou interdire toute action en justice de la part du créancier, d’arrêter ou d’interdire toute procédure d’exécution de sa part, ou de reporter ou d’échelonner le paiement des sommes dues.
Cette faculté est offerte au débiteur lorsque le créancier n’accepte pas, dans un délai imparti, la demande faite par celui-ci de suspendre l’exigibilité de sa créance pendant le déroulement de la conciliation.
L’Ordonnance simplifie la procédure de demande puisque le débiteur peut les solliciter par voie de requête présentée au Président du Tribunal et non plus par assignation.
2. La faculté pour le débiteur de demander des délais en l’absence de mise en demeure ou d’acte de poursuite.
L’ordonnance du 20 mai 2020 déroge à l’alinéa 5 de l’article L.611-7 du Code de commerce puisqu’elle permet au débiteur de solliciter auprès du juge ayant ouvert la procédure de conciliation le report ou l’échelonnement du paiement des sommes dues avant toute mise en demeure ou poursuite si un créancier refuse la demande du conciliateur de suspendre l’exigibilité de la créance.
En droit commun, la procédure de sauvegarde accélérée est réservée aux entreprises qui remplissent les conditions suivantes :
L’article 3 de l’Ordonnance du 20 mai 2020 supprime temporairement ces conditions et ouvre la procédure de sauvegarde accélérée à tous les débiteurs.
Conformément à l’alinéa 2 de l’article L.626-5 du Code de Commerce, les créanciers ont un délai de trente jours pour faire part de leurs observations ou de leurs choix sur le projet de plan.
L’Ordonnance permet à l’administrateur judiciaire s’il a été désigné ou au mandataire judiciaire de demander au juge-commissaire de réduire ce délai à quinze jours.
Cette consultation peut se faire par tout moyen de communication.
Cette disposition est applicable aux procédures en cours.
L’Ordonnance du 20 mai 2020 en son article 5 maintient les dispositions de l’ordonnance du 27 mars 2020 sur les prolongations de durées de plans :
La nouvelle ordonnance ajoute une nouvelle prolongation possible de la durée du plan d’une durée maximale de deux ans de la compétence du Tribunal, sur requête du ministère public ou du commissaire à l’exécution du plan.
Ainsi, en cas de prolongation, quelle que soit le fondement, le Président ou le Tribunal peuvent :
Conformément aux articles L.6236-12 ou L.631-19 du Code de commerce, en cas de modification substantielle, la durée maximale du plan est portée à douze ans et à dix-sept ans lorsque le débiteur exerce une activité agricole.
L’Ordonnance du 20 mai 2020 prévoit dans l’article 5 alinéa 3 que le défaut de réponse des créanciers suite à la lettre du greffier les informant des modifications relatives aux modalités d’apurement du passif envisagées vaudra acceptation, sauf, précise l’article, « s’il s’agit de remises de dettes ou de conversions en titres donnant ou pouvant donner accès au capital ».
L’article 5 dans son 4ème alinéa de l’Ordonnance du 20 mai 2020 créé un nouveau privilège de sauvegarde ou de redressement judiciaire afin d’inciter le soutien au profit des entreprises en difficulté.
Ainsi, les apporteurs de fonds en période d’observation de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou ceux qui s’engagent à apporter des fonds dans le cadre de l’exécution des plans de sauvegarde ou de redressement pourront bénéficier d’un privilège.
Toutefois, ce privilège sera accordé seulement si les fonds auront vocation à assurer la poursuite et la pérennité de l’activité de l’entreprise.
Les augmentations de capital ne pourront pas bénéficier de ce privilège.
Ces apports devront être autorisés par le juge-commissaire et seront portés sur le registre des prêts consentis au débiteur tenu par le Greffe.
Le jugement qui arrêtera ou modifiera le plan mentionnera chaque privilège constitué et précisera les montants garantis.
Les créanciers titulaires du privilège de sauvegarde ou de redressement seront payés, par privilège, avant toutes les autres créances, conformément aux articles L.622-17 III et L.641-13 III du Code de commerce, et seront ainsi primés par le superprivilège de l’AGS, les frais de justice nés régulièrement postérieurement à l’ouverture de la procédure collective pour les besoins du déroulement de la procédure, les créances bénéficiant du privilège de new money, les créanciers titulaires de sûretés immobiliers et les créances salariales non avancées par l’AGS.
Tout comme le privilège de conciliation, les créanciers privilégiés ne pourront se voir imposer de remises de dettes ou des délais de paiement.
L’article 6 de l’Ordonnance du 20 mai 2020 élargit les conditions d’ouverture des procédures de liquidation judiciaire simplifiée et de rétablissement professionnel.
Concernant la liquidation judiciaire simplifiée, son ouverture sera possible si l’actif ne comprend aucun bien immobilier. Cependant, si le nombre de salariés du débiteur au cours des six mois précédant l’ouverture de la procédure est supérieur à cinq, le tribunal peut décider, par jugement spécialement motivé, de ne pas faire application des règles relatives à cette procédure.
Concernant la procédure de rétablissement professionnel, le débiteur dont la valeur de l’actif est fixée à 15.000 euros, pourra bénéficier de cette procédure.
Le Code de commerce prévoyait une incompatibilité en matière de cession pour les débiteurs, les dirigeants de droit ou de fait, les parents ou alliés jusqu’au deuxième degré, les personnes ayant ou ayant eu la qualité de contrôleur.
Ces derniers ne pouvaient présenter une offre et ne pouvaient acquérir dans les 5 années suivant la cession tout ou partie des biens compris dans la cession.
La seule exception à ce principe était la requête du ministère public auprès du Tribunal pour autoriser la cession à l’une des personnes visées par l’incompatibilité et l’adoption par la juridiction d’un jugement spécialement motivé, après avoir demandé l’avis des contrôleurs.
L’Ordonnance du 20 mai 2020 déroge à ces dispositions puisque le débiteur ou l’administrateur pourront soumettre au Tribunal une requête tendant à déroger ces incompatibilités si la cession est de nature à permettre le maintien des emplois. Le Tribunal statuera par un jugement spécialement motivé, après avoir reçu l’avis des contrôleurs.
L’Ordonnance du 20 mai 2020 accélère le processus de cession puisque désormais le délai de convocation des cocontractants dont les contrats sont jugés essentiels pour le maintien de l’activité est réduit de quinze à huit jours avant l’audience.
L’article 8 de l’Ordonnance du 20 mai 2020 réduit à un an au lieu de deux ans l’inscription des mentions sur le K-BIS relatives aux plans de sauvegarde et de redressement judiciaire.
L’Ordonnance du 27 mars 2020 avait fixé la durée du régime dérogatoire du droit aux entreprises en difficulté jusqu’à trois mois après le terme de l’état d’urgence sanitaire, soit jusqu’au mois d’octobre 2020.
L’article 9 de l’Ordonnance du 20 ma0i 2020 réduit la durée d’application au 23 août 2020 maximum pour les mesures qui devaient initialement durer jusqu’à trois mois après l’état d’urgence.
Les autres mesures ne seront plus applicables à partir du 23 juin 2020.
Il résulte de l’article 10 de l’Ordonnance du 20 mai 2020.
Sont applicables jusqu’au 31 décembre 2020 les dispositions concernant :
Sont applicables jusqu’à l’adoption de la future ordonnance devant transposer en droit interne la directive restructurations et insolvabilité et au plus tard au 17 juillet 2021 :
Suite à l’adoption des deux ordonnances du 27 mars et 20 mai 2020, il ressort donc que :